Postée le 11 avril 2023
  • Édito

« Le ciel est une portée, et les astres innombrables sont les notes d’une symphonie cosmique. La musique des sphères, ce fantasme platonicien est né un siècle plus tôt dans l’esprit de Pythagore, que Platon admirait. Les pythagoriciens pensent que l’Univers est régi par des rapports numériques harmonieux. Ils imaginent que les planètes de notre système solaire sont reparties selon des proportions sonores : les distances entre elles correspondent à des intervalles musicaux et chaque planète émet une note, puisque tout ce qui est en mouvement provoque une onde sonore. Coïncidence troublante, on compte à l’époque sept planètes dans le système solaire, et il y a sept notes dans la gamme ! »

« Grâce à son ouvrage, L’Institution musicale, Boèce va influencer tout le Moyen Âge en classant la musique en trois catégories : la musica mundana ou musique des sphères, la musica humana ou musique des voix, et la musica instrumentalis ou musique instrumentale. La doctrine imaginée par Pythagore au Vème siècle av. J.-C. s’étoffe au fil du temps comme une vraie langue vivante. »

« Pythagore a démontré que plus une corde est courte, plus le son est aigu, et plus une corde est longue, plus le son est grave. Il y a donc deux notes dans une course elliptique. Saturne, par exemple, présente un rapport de quatre à cinq entre le périhélie, son point le plus rapproché du Soleil, et l’aphélie, son point le plus éloigné, ce qui équivaut à une tierce majeure, sol si. Jupiter donne une tierce mineure, sol si bémol. Mars une quinte, sol ré. La Terre, un demi-ton, sol sol dièse. Vénus, une tierce mineure, sol si bémol. Mercure, une octave augmentée d’une tierce mineure, sol si 1 bémol.

Les planètes produisent des accords ! Sans le savoir, Johannes Kepler annonce la théorie de Rameau qui, un siècle plus tard et grâce aux mathématiques, fera de l’harmonie la clé du savoir musical.

« Les mouvements des cieux ne sont rien d’autre qu’un certain accord de voix, dit Kepler, de sorte qu’il n’est pas davantage étonnant que la méthode de chanter en accords, inconnue des anciens, soit enfin trouvée par l’homme, imitateur de son créateur » »

« L’ensemble des planètes constitue un chœur : Saturne et Jupiter à la basse, Mars au ténor, la Terre à l’alto, Mercure et Vénus, bien sûr, sont les sopranos (les stars, quoi…). »

« Il faut attendre l’été 1967 pour que l’incroyable se produise. Jocelyn Bell Burnell, étudiante à Cambridge, travaille à la mise au point d’un radiotélescope quand soudain, elle détecte un bruit étrange et régulier, toutes les 1,3 secondes. Pendant des mois, contre l’avis de ses collègues, elle s’acharne à chercher au télescope une étoile qui pourrait émettre ces fréquences. »

« Lorsqu’une étoile est en fin de vie, elle s’effondre sous son propre poids, éjectant violemment son enveloppe en une fraction de seconde. Ne subsiste qu’un petit diamant en rotation rapide sur lui-même, un pulsar, d’une masse incroyablement dense – de l’ordre de cent mille milliards de kilogrammes pour un litre – qui émet un rayonnement magnétique supérieur à la Terre. A chaque rotation, ce rayonnement « allume » toutes les particules autour de lui, comme le faisceau d’un gigantesque phare. S’il est bien orienté, il peut balayer la Terre. C’est ce signal qu’à perçu Jocelyn Bell Burnell.

Pythagore, Platon, Cicéron, Boèce et Kepler, réjouissez-vous et remerciez Jocelyn qui, la première, vérifia vos théories et entendit la musique des sphères. »

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Extrait du livre d’André Manoukian Sur les routes de la musique

Composé et édité par Harper Collins France et France Inter – Juin 2021 –

Illustration @Loudesbois

Phonotus